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18/01/2022
La musique aussi berçante que lancinante illustre parfaitement ce film qui est écartelé entre deux envies : montrer la face cachée des ferries (de luxe ou non ) et plus généralement du métier de femme de ménage (ou technicienne de surface) ; s'interroger sur le journalisme "en immersion" et sur la manière dont il influence le regard que l'on a sur un thème ou sur les relations que l'on crée dans ces situations.

Ce n'est pas  une infiltration dans le milieu de la drogue et le risque en cas de couverture "grillée" paraît bien faible ! Il n'empêche, trahir la confiance que les collègues ont placée en elle peut blesser et je me demande comment cela est ressenti...

Les femmes de ménage n'ont pas vocation à disparaître (les robots ménagers ont encore du mal à changer les draps et faire le boulot "en hauteur") à la différence des caissières ou des aides ménagères... pourtant ces métiers pénibles ne sont pas reconnus ce qui n'empêche pas le jeu de l'embauche qui m'a rappelé la seule fois de ma vie où j'ai passé un entretien : quelles sont vos qualités et défauts pour que l'on vous prenne comme surveillant dans un collège (enfin "assistant d'éducation" ?). Quand on sait la difficulté à recruter des personnes pour faire ce métier, on sourit sous le manteau quand la question est posée. Ceci est bien montré dans le film où ce jeu de dupe saute aux yeux.

Le monde du service où l'on veut toujours plus (d'efficacité, de rentabilité) tout en donnant moins (de paye, de matériel) devrait nous interroger sur ce que nous sommes. Nous voulons tout payer moins cher mais cherchons quand même de la qualité. L'humain est-il schizophrène ? Comment peut-on espérer cela pour nous et ne pas nous étonner d'être à notre tour exploité par des personnes qui ont les mêmes desseins ?

Le questionnement sur l'attitude des consommateurs quand ils ont payé un service est aussi intéressant mais il n'est pas au cœur du film... évidemment, cela irait sûrement davantage du côté de la sociologie, celle qui expliquerait pourquoi les gamins déjà jeunes jettent leurs papiers par terre et s'en fiche car "il y a quelqu'un payé pour passer le balai" alors que la poubelle est à 3 mètres de leur table et que cela ne leur demande aucun effort. Celle qui fait que les à-cotés des autoroutes sont des dépotoirs car les automobilistes ouvrent la fenêtre en roulant et balancent leurs déchets. Celle qui fait cracher ici et là dès que la gorge racle.

Enfin je m'égare et le film montre aussi une belle histoire d'amitié même si cela me dérange légèrement. On me taxera de cynisme mais je trouve un peu facile cette descente dans les "classes populaires" qui ont obligatoirement un grand cœur et font attention aux autres. Si cela donne quelques scènes très fortes et d'autres qui montrent la facilité à interpréter des situations trouble suivant nos filtres (évidement mauvais), je trouve qu' il y a une certaine forme de snobisme dans la façon dont est raconté l'histoire et je comprends la réaction finale de la principale protagoniste.

Est-on un rat de laboratoire pour journaliste en mal de sensation ? Quel est le "but" d'une telle infiltration ? Est-ce que cela changera quelque chose... toutes ces questions sont évincées au profit d'un final qui n'est pas la partie la plus réussie du film.
Il n'empêche, ce "Ouistreham" naviguera au-dessus de la moyenne et quelques actrices amatrices auront durablement imprimé la pellicule de ce long métrage. Est-ce un grand film ? Je ne trouve pas... mérite-t-il d'être vu ? Assurément (et je me repasse la bande originale en boucle ces derniers jours !).
.O.